mardi 1 juillet 2014

2ème partie: L'EBRANLEMENT.

"Pourquoi pourquoi ?"

"Je finissais par donner des ordres aux objets, au ciel..."



         Vous n’imaginez pas, on ne se rend pas compte à l’extérieur. 
  C’est tellement facile de donner des ordres et d’être immédiatement obéi ! C’est magique ! 
      Je finissais par donner des ordres aux objets, au ciel, au soleil ! 
      Je devins neurasthénique, car seuls m’obéissaient les hommes. 
     Les objets et les éléments me semblaient dotés d’une puissance terrible ! 
       Je devins mystique. 
    Je tremblais devant la puissance du vent. Du soleil. Du tonnerre. 
       Devant l’extraordinaire force d’inertie des objets inanimés. 
    Je consultais des médiums, des astrologues, pour tenter de percer les secrets de la matière, mais je jalousais ces dangereux concurrents. Avec les philosophes, ils devenaient ma hantise. 
        Ca me minait le moral.






         On ne se doute pas à quel point les soi-disant puissants redoutent la souveraineté de Dieu et de la nature. Toute autorité étant par définition une imposture, on tremble à chaque instant qu’elle ne soit découverte par les véritables maîtres ! 

         C’est si beau n’est-ce pas, d’être arrivé à ce point. Cet endroit si convoité. Dont on rêve et pour lequel on meurt. 
          Ce divin promontoire qui nous met à l’abri des vicissitudes humaines ! 
           Voulez-vous me dire comment résister à l’appel du sommet ? Comment ne pas être attiré vers le haut ? 
          Qui au monde, quelle femme ou quel trésor offre plus que cette situation sublime ? 
            Maître après Dieu…



"Maitre après Dieu !"





         C’est un raisonnement un peu enfantin, n’est-ce pas ? Oui, je sais. Il faut une bonne dose de naïveté pour y croire vraiment… et pourtant, lorsque vous y êtes plus rien ne peut vous arrêter.

          
          Pour quoi faire me direz-vous ? 
          Quelle importance, le but est secondaire. 
          Totalement accessoire ! 
          Ce qui compte c’est d’être là, 
          A cette place 
          Sur ce trône 
          Avec la totalité des activités humaines au dessous de vous ! 
          Quelle vue plongeante !




"C'est un raisonnement un peu enfantin, n'est-ce-pas..."



           Il y en a bien quelques-uns qui croient encore pouvoir vous surplomber, mais leur erreur ne dure pas trop longtemps… 

          Je vais te dire une bonne chose : J’ai horreur des gens qui me jugent ! Alors tu peux penser ce que tu veux n’est-ce pas. Tu peux penser ce que tu veux mon petit bonhomme. 
       Tu peux bien penser ce que tu veux ça ne me touche absolument pas. 
          Vous me faites bien rire tiens. 
         Mais qu’est-ce que vous savez de mon destin vous autres ? En quoi êtes-vous qualifiés pour simplement oser laisser votre pensée se poser sur moi ? 

          Alors hein, tu peux bien m’observer. 
          Tu pourrais même prendre des notes. 
          Si si, ne te gêne pas. 
          Je m’en fous royalement si j’ose dire.




"Il y en a bien quelques uns qui croient encore pouvoir vous surplomber..."






        Je m’en fous. Vous autres vous pouvez tout mais vous ne pouvez rien. Moi je n’ai peut-être plus le pouvoir, mais j’ai été choisi pour l’avoir. Une fois dans ma vie. Tu ne pourras jamais comprendre ce que ça signifie vraiment, ça. 
          Si tu as été aimé par une femme une fois dans ta vie, je veux dire vraiment aimé. Tu peux peut-être avoir une petite idée. Une toute petite idée de ce que ça veut dire, être élu. 
          Tu veux que je te dise : Vous êtes tous jaloux de l’amour que le peuple porte aux puissants. Mais ce n’est pas un hasard, monsieur, si le peuple nous aime. C’est parce que nous l’aimons, nous. 
          Vous les moralistes et autres pisse-vinaigre, vous méprisez le peuple en votre for intérieur, mais vous ne l’avouerez jamais, bande d’hypocrites. 
          Le peuple est comme une femme, tu m’entends, il faut savoir le prendre ! Il faut savoir se donner, il faut savoir l’aimer ! 
          Hé hé ! Il faut être un amant vigoureux monsieur le philosophe, pas un doux rêveur. Il veut vibrer, frémir, le populeux. Il ne veut pas qu’on le paie de mots.



"Tu peux penser ce que tu veux, mon petit bonhomme..."

"J'ai été choisi parce que mon esprit était pur..."



          Tu crois peut-être que tu m’impressionnes avec ton silence ? Je n’ai rien à cacher à personne. A personne, tu m’entends. 
          Parce que mes intentions sont pures. 
      Qu’est-ce que tu t’imagines, pourquoi crois-tu que l’un est sacré roi et pas l’autre ? Par hasard ? Ou grâce à une lettre de recommandation de ses derniers employeurs ? Ou peut-être de ses bonnes notes à l’école ? 
        Hé bien si tu ne le sais pas, je vais t’apprendre quelque chose, mon petit bonhomme. J’ai été choisi parce que mon esprit était pur ! 
          Ne sais-tu donc pas que c’est Dieu lui-même qui procède à cette élection ? Qui donc crois-tu que Dieu choisit, petit malin ? 
          Les êtres dont l’esprit est intact, évidemment. Mais peu de gens peuvent encore comprendre. 
          C’est une histoire d’amour entre un homme et Dieu, et Dieu choisit selon des critères qui n’ont pas cours ici… mais devant lesquels tout le monde se plie, s’est toujours plié. Dieu choisit selon des critères que vous n’êtes pas en mesure de comprendre, toi et tes semblables. Il faut se plier mon petit bonhomme. Il faut plier.

         Tu penses que c’est fini, n’est-ce pas, que je ne suis plus dans les petits papiers du patron. Que la divine sentence a provoqué ma chute. Et que je suis aujourd’hui aussi vulnérable que n’importe qui. 
         Oui, naturellement c’est ce qu’il semble, n’est-ce pas ? 
        Mais sache que l’on est marqué à tout jamais par le destin, quoiqu’il advienne. Sache que la grandeur ne se perd jamais, quelle que soit l’adversité. 
          Hé ! Ca n’a rien à voir ! 
          Essaie de comprendre. Essaie seulement d’imaginer, toi dont l’existence fut somme toute-pardonne-moi- fort commune. Essaie d’imaginer ce que cela peut signifier d’être élu entre tous pour mener la destinée d’une nation toute entière peuplée de millions d’individus tous différents. 

           Tu ne peux pas, c’est trop vaste, n’est-ce pas ? 
           Ton esprit ne peut même pas concevoir la chose. 
          Bien sûr et je ne t’en veux pas. Tu n’es pas fait pour cela toi. Tu n’es pas marqué par un destin de grandeur. Tu n’y peux rien, ne sois pas gêné, personne n’y peut rien. 
          Même moi quel mérite ai-je à ce que mon destin eut été si exceptionnel. Je n’y suis pour rien.







             Nous avons été héroïques, nous n’avons pas démérité de nos ancêtres,  t’en souvient-il ? 
        Nous partions fiers et imbéciles, porter la guerre au cœur même du bonheur, traquant impitoyablement sourires et traces encore fraîches de tendresse. 
          Rien n’échappait à la lame tranchante de notre noir malheur.
       Notre drapeau sinistre et désespérant flottait sur les vertes prairies, où la végétation du plaisir elle-même hésitait à repousser. 
     Nous détruisions avec une telle joie tout ce qui pouvait ressembler à la renaissance de la vie. A cette haïssable anarchie. 
         Et comme la victoire nous grandissait t’en souvient-il ? Qui aurait osé mettre en doute notre puissance… Qui aurait pu dire : « Ils ne sont pas sûrs d’eux, leur victoire est éphémère »… 
          Rien en vérité n’était aussi fort 
          Rien n’était aussi pur, 
          Purement débarrassé de toute forme d’espoir.



"Nous étions les fiers messagers de la Mort"


         
            Le virus du doute, ah, nous l’avions exterminé ! 
          La tendresse fragile, son cadavre sec personne n’aurait pu le ranimer. 
          Qu’est-ce qui aurait bien pu prétendre à nous faire hésiter, nous qui écrasions l’hésitation elle-même de notre certitude, pesante, inéluctablement pesante, comme l’attraction terrestre elle, comme l’inéluctabilité de la mort. 
          Nous étions beaux, mais personne pour nous le dire . 
          Nous étions au sommet, personne pour nous combattre. 
          Nous n’avions rien à gagner, notre combat était gratuit. 
          Nous étions les fiers messagers de la mort.




"Ô, Dieu des vents, des sources, du feu..."



             Ô Dieu des vents des sources du feu 
          Et des machines 
          Regarde-moi dans ma nudité 
          Et si je mérite une parole de force 
          Et d’espoir 
          Apporte-la-moi
          L’ombre de la mort est descendue sur moi 
          Le grand oiseau m’a touché de son aile 
          Le sourire m’est interdit 
          Le regard clair m’est défendu 
          L’innocence ne m’est plus permise 
          L’irréparable s’est accompli 
          Qui est de vivre son impasse jusqu’au bout 
          Et dans sa chair 
          L’irréparable est descendu en moi 
          A pris possession de mon corps 
          Non je ne suis responsable de rien 
          Est-ce ma faute si mon destin 
          Etait clos ainsi comme une prison qui est 
          Le mirage de la liberté ? 

          Plus rien ne pourra 
          Me consoler 
          Plus rien ne me fera dévier de l’irréparable.




"Est-ce ma faute..."


              Oui. Je rends mon tablier. 
          Ces imbéciles peuvent se tordre à genoux devant moi et me supplier tant qu’ils voudront. Je ne serai plus le maître. Je vais me reposer. Me reposer, tu m’entends. On ne m’a jamais entendu tenir pareil langage, n’est-ce pas… Hé bien oui, moi… je vais me reposer. Et m’adonner à des plaisirs qui ne regardent que moi. 
        C’est trop facile à la fin. Maître que devons-nous faire ? Maître pensez-vous que j’aie eu raison d’agir ainsi ? Maître que me conseillez-vous ? 
            Qu’ils se débrouillent ! 
          Oh je les connais ! Je connais le monde des hommes. Ils ne tarderont pas à en trouver un autre bien sécurisant. Pauvre vieux, s’il se doutait seulement de leur perversité ! 
          Hypocrites, vous vous débarrassez de tous les fardeaux sur un homme, et vous en faites un dieu, un dieu factice, en espérant qu’il ne s’aperçoive pas trop tôt de la supercherie ! 
          Minables, c’en est assez, pour ma part. 
          Je veux moi aussi avoir le droit d’être faible. 
          Je veux vivre un peu ! 
         Ah mais comment pourriez-vous comprendre que je renonce à tous ces prétendus privilèges ? Vous qui idolâtrez toute autorité, toute l’autorité que vous refusez d’endosser., parce que vous savez bien dans le fond qu’elle est si dangereuse, si usante, si terriblement lourde à porter . »



"Ils n'ont pas dit leur dernier mot, mes chéris..."



          -« Ils n’ont pas dit leur dernier mot, mes chéris 
          N’est-ce pas mes chéris ? 
          Ils veulent encore me faire souffrir. J’en suis sûr. 
          Ils ne vont pas s’en priver. 
          A vrai dire je m’en délecte. 
          Ils ont encore tant besoin de moi. 
          Ils passent tant de temps à méditer contre moi… 
          Leur folie est incomparable.







            Ils sont allé jusqu’à tuer Pumkin. 
          Peut-être valait-il mieux. 
          Qu’est-ce qu’un fou sans son roi ? 
          Qu’est-ce qu’un roi sans son fou ? 

       Qu’est-ce que je suis moi ? Sans personne pour me rire au nez ? Pour me ridiculiser, pour me dégonfler comme une baudruche… 
          Quel as ! Quelle méchanceté ! Quelle profonde connaissance de l’humaine clownerie ! 
       Il fallait voir sa tête quand je le menaçais de le livrer au bourreau pour lui apprendre à vivre… 
        Lui seul savait de quelles bassesses sont capables les hommes. 
     Lui seul pouvait prétendre connaître mes faiblesses et mes véritables desseins. Lui seul voyait. 
         Il voyait ! Est-ce que tu comprends ? 
        Son regard transperçait les apparences avec une telle acuité. Tous, sauf les animaux et les enfants… tous le redoutaient. Tous méditaient en secret de l’exterminer après lui avoir fait subir de longues et atroces tortures. Et il le savait bien, le petit diable ! 
          Pas un qui ne le craignît ! 

         Leur premier acte d’héroïsme à ces fameux révolutionnaires : Ôter la vie à ce petit homme difforme qui disait la vérité… 

          Mon Pumkin, cher petit monstre, mon seul ami. 
         Tu dévorais mon âme et détruisais jusqu’à la substance de ma royale emphase ! Où es-tu divin petit bouffon ?






            Il aurait fallu que tu le voies quand il lui prenait d’imiter mes discours ! Nabot boiteux et haletant, avec aux lèvres cet étrange sourire tordu… sa voix criarde qui vous exaspérait les tympans : 

          « Majesté, votre ineffable grandeur a-t-elle su parler à son pays, aujourd’hui ? A-t-elle su distiller des paroles comme une rosée de diamants se rependant sur un nid de cloportes ? 
          Il faut tenir en laisse ces chiens enragés ! Regardez-les un peu. Un instant d’inattention et ils vous sauteront au visage ! 
          Il faut leur faire de beaux discours… Regardez : 

          Mes chers petits sujets… je vous aime tant que le simple fait de m’adresser à vous fait frissonner mon échine et trembler ma voix d’émotion. 
          Je vous aime en vérité plus que tout au monde, plus que le marbre du palais, plus que ma femme la douce Reine Galantine, qui à vrai dire a disparu depuis longtemps avec le chef du protocole… mais mon cher petit peuple, cessez, je vous en prie de m’importuner avec vos mesquins petits problèmes de tous les jours. 
          N’oubliez pas que je suis un Roi, très royal ! Et pour être franc, vos petits problèmes de tous les jours, hé bien, je n’ai pas le temps de m’en occuper. Et puis, à vrai dire… je m’en bats l’œil, de vos petits problèmes de tous les jours ! Ca ne m’intéresse pas le moins du monde ! 
          Ce qui me préoccupe, il faut que vous le sachiez mon cher petit peuple, c’est la couleur, la coupe, l’étoffe, de ma nouvelle cape de cérémonie ! N’est-ce pas… L’essence du bois précieux et la forme dans laquelle sera taillé le sceptre incrusté d’émeraudes que j’ai fait commander à un ébéniste florentin… Voilà des problèmes de Roi !



"Mon esprit ne peut s'abaisser jusqu'à vos petites revendications dégoutantes..."
"Je vous fais peur, hein ?"


         Comprenez-moi, ce n’est pas un métier comme un autre. Mon esprit ne peut s’abaisser jusqu’à vos petite revendications dégoûtantes ! Ah, comprenez-moi un peu… mon peuple, mon bon peuple ! Ah ! Vous n’êtes pas encore assez bons pour moi, savez-vous ! 

        Il faudrait peut-être faire quelques efforts… Hein, bande de couards ! Cohorte de bouseux ! Pêcheurs impénitents ! Petite vermine grouilleuse et sans cervelle !

         Ah je vous fais peur, hein ? Vous tremblez insectes purulents ! Mais voyons, votre vénéré et auguste souverain vous aime, rappelez-vous ! Vous aime plus que tout au monde ! Cochons ! Et vous le savez bien. Voyons mes tout petits, ne craignez point mon courroux. 
          Vos péchés sont véniels, et peuvent être pardonnés ! 
          Allons, allons… 
          Ne fuyez point canailles ! 
          Ne fuyez point. 
          Non, restez. 
          Restez,  j’ai tant besoin de vous ! »



"Veux-tu être mon ami, toi..."


          -« Veux-tu être mon ami, toi ? 
          Il ne me reste plus que toi. 
          Plus que toi. » 

         (Il tombe sur la forme, l’agrippe, la serre contre lui, la prend dans ses bras et s’aperçoit que ce n’est qu'un tas de couvertures. Dans la mise en scène de Hugo VERRECCHIA ce sont aux peluches que s'adresse le personnage

          -« Allons allons, où es-tu, reviens ! 
          Allons reviens voyons, ça n’est pas le moment ! 
          Tu sais bien que je ne supporte pas. 
          Reviens immédiatement ! Tu n’as absolument pas le droit de me faire ça. Tu m’entends ? 
          Obéis, ver de terre. Misérable chacal. Où te caches-tu ? 
          Ne fais pas le malin. Si tu n’obtempères pas sur le champ, je… Lâche, épouvantable lâche. Tu es comme les autres ! Tu n’existes pas vraiment ! Tu es bien trop couard pour ça ! Tu n’es qu’une pauvre enveloppe vide. 
          J’aurais dû m’en douter. J’ai toujours eu tord de vous faire confiance. 
       Très fort. Si si vraiment. Là vous avez trouvé le truc pour m’impressionner ! 
           Bravo c’est ce que vous pouviez trouver de plus odieux ! 
          Ca doit faire un moment que vous moisissez ici pour qu’il ne reste que ça, non ? 
     Hé, finalement je trouve que vous êtes un type assez superficiel !



"Si tu n'obtempères pas sur le champ..."

Hé, finalement, je trouve que vous êtes vous êtes un type assez superficiel..."




          Bon, bon, allez, écoutez, ça suffit votre petit jeu ! Montrez-vous mon vieux. C’est tout à fait déloyal. Vous ne devriez pas pousser la plaisanterie aussi loin, ça n’est pas très moral ! 
          Allons revenez, hein ? Allez, heu, elle était bien bonne, mon vieux, maintenant revenez ! 
          Vous ne voulez pas ? 

        Même ça vous me l’avez pris, mais qu’est-ce qu’il me reste, alors ? 

          Je crois que je vais devoir me contenter de mes amis les cafards. Peut-être y-a-t-il des rats ? 
           Ca pourrait faire une belle armée, hé… 
          Et quand vous aussi vous m’aurez laissé tomber, à moins que ce ne soit l’inverse… 
          Je n’aurai alors vraiment plus que moi, à moi-même livré. 
     Je n’aurai plus que moi comme sujet, comme royaume, comme… comme tout…




"Qu'est-ce qu'ils savent faire, les doigts de pieds, hum?"

 



          J’en serai réduit à exercer mon joug sur mes petites mains, sur mes petits bras, mes petites jambes, sur ces millions de molécules qui acceptent encore d’obéir à mes injonctions ! 
      Allons mes petites obéissez, plus vite, allons, tous ensemble, maintenant, Oh, les mignons petits doigts de pieds, qu’est-ce qu’ils savent faire les doigts de pieds, hum ? 
      Allons les enfants, maintenant, plus compliqué, voilà, très bien ! 
        Hé, on est bien entre nous finalement, non… 

     Voilà un coup que le destin ne pouvait mieux choisir pour toucher en moi la fibre sensible ! 
          RIEN ! 
         Hé bien monsieur RIEN, félicitations, et merci d’avoir été là quand même, au moment où j’en avais le plus besoin…



"Merci d'avoir été là quand même au moment où j'en avais le plus besoin"

"Qui veut de moi...?"


           Je le ferai plus. 
        C’est promis, je le ferai plus. Je serai sage, ma maman à moi.  Je te promets, je ferai plus de bêtises. 

          Pourquoi, pourquoi ? 
          Je veux pas.
          Qui veut venir s’occuper de moi, qui veut de moi ? 
          Où est ma maman ? 
          Emmenez-moi chez ma maman ! 
          Portez- moi sur un brancard fleuri de roses pâles, 
          Jusqu’à ma chère maman 
       Mettez-nous dans un  grand trou noir ma maman et moi et posez  au-dessus une grosse dalle de marbre blanc. 
          Personne n’a jamais voulu de moi. 
       Dans la foule des aveugles parmi tous ces corps chauds et vibrants… 
          Tous ces cœurs rouges qui battent dans toutes ces poitrines… 
          Il n’y en a jamais eu un seul qui ait battu pour moi. 
          Pas une seule tendre pensée qui me fut destinée. 
          Pas un mot qui fut de douceur pour moi.

          
          Je veux pas. Je veux pas. 
          Je veux être n’importe qui. 
          N’importe qui sauf moi. 
        Le croque-mort que chacun respecte et admire dans sa nuit glacée, ou la dernière des cuisinières du château avec ses ragots ses regrets éternels et sa chaleur bourrue. 
          Je ne veux plus qu’on me regarde comme ça ! 
          Arrêtez ! 
          Ne me regardez plus ! 

          Tu vois maman, il était comme les autres. 
          Il a trahi lui aussi. 
          Mais je suis grand maintenant. Je vais plus pleurer. 
          Je sais maintenant. 
          Je sais ce qu’ils valent. Les hommes. 
          Je sais. 
          Ton fils est grand maintenant. Il ne va plus pleurer.




"Je serai sage, ma maman à moi..."

"Sa Majesté a un rendez-vous urgent..."





           La Dame Méchante va venir. Elle va venir pour me prendre. Si tu ne viens pas maman. 
        Elle sait que j’ai fait des choses qu’il ne fallait pas mais tu lui diras, maman. N’est-ce pas tu lui diras. 

         Tu viendras avec mon Pumkin. Et vous lui direz. 
          Vous l’empêcherez de m’emmener. 
          Elle ne sait pas qui je suis. 
          Elle croit que je suis comme les autres. 
          Mais tu lui diras maman, hein, vous lui direz. 

          Sa majesté ne veut pas aller chez vous madame. 
          Cessez d’importuner Sa majesté. 
    Sa majesté a de grandes préoccupations. Elle ne peut absolument pas venir avec vous. Veuillez nous excuser, avec le respect que nous vous devons, mais nous ne pouvons vraiment pas vous laisser prendre notre cher Roi. Alors partez. Partez, vous ne comprenez pas ? 
          Vous vous trompez on vous dit ! Sa majesté à un rendez-vous urgent ! 
          Elle n’a pas le temps ! 
  
          Maman je veux pas. C’était pour rire. Je veux plus jouer. 
         Où est-il celui qui connait la règle du jeu ? Qu’il se montre ! 
        Qui m’apprendra la règle d’un jeu que j’ai joué toute ma vie sans y rien   comprendre ? 
          Qui veut instruire l’idiot ? 
          L’être le plus ignare du pays… 
          Qui peut dire ? 
          Qui peut dire ? 
          Qui peut ? 
          Tant de choses me sont restées mystérieuses. 
          Tous les secrets me sont restés inaccessibles 
          A moi qui convoitais le ciel 
          Ou peut-être même plus. 

          Mais il se fait tard. 
          Il se fait tard à présent. 
          Il se fait tard et il me reste une dernière chose à faire. 
          Un dernier devoir à accomplir.

"Montre-toi, belle amazone noire..."


          Mesdames et messieurs, voici venu le moment où comme dans les très anciennes tragédies, le vieux héros fourbu, au bout de son chemin, doit affronter son ultime rivale. C’est ma dernière tâche, qu’on me la laisse. 
          Comme dans les histoires. 
          Et il me faut y croire cette fois. 
          Il me faut aller à la rencontre de la Dame. 
          Et descendre avec elle le grand escalier. 
          Hé bien va,  ne te cache plus, je sais que tu es là. 
          Tu crois que je n’ai pas senti ta présence toi ? 
          Je sais que tu es là. J’ai attendu toute ma vie cet instant. 
          Je ne passerai pas à côté ! 
          Allons viens putain effrontée. 
          Montre-toi belle amazone noire. 
          Viens ma beauté, voyons si je vais te plaire. 
          Viens ma fougueuse viens. Je suis à toi. 
          Viens avec ton déhanchement de sorcière. 
         Viens danser avec moi. 
          Fais-moi retrouver l’orgueil de ma jeunesse. 
          Allons viens, est-ce toi qui vas me craindre ? 
          Viens donc achever le vieux loup aux abois. 
          Donne-moi une chance de resplendir une dernière fois. 
          Viens sonner l’hallali ou plutôt le chanter. 
          Rends-moi fou d’amour. 
           
          Viens, entourée de tes chiens de ténèbres. 
          Viens désirable charognarde. 
          O ma définitive perverse. 
          Viens me donner cet amer et terrible baiser. 
          Viens, toi dont la fidélité ne fait aucun doute. 
          Viens. 
          Protège-moi enfin de l’inconnu.
          Sois ma maîtresse, femelle de charbon aux yeux ardents. 
          Accepte mon esclavage. 
          Viens éteindre d’un coup le feu qui me consume.

          A toi je dirai « Je t’aime », à toi seulement. 
          Viens. » 

          (Il chante un air d’opéra. Un hymne d’amour à la mort.)




"Arrière, médiocres, arrière, laquais..."





Une voix : « MAJESTE VOUS ÊTES LIBRE ! LES GRILLES SONT OUVERTES ! (Cliquetis de chaînes et de serrures) NOUS VOUS SAUVONS. GLOIRE A NOTRE ROI. » (Dans la mise en scène de Hugo VERRECCHIA, cette voix et les cliquetis de chaines sont remplacés par un bruit de foule excitée sur lequel s'impose le grondement d'un orage) 

          -« Ah non ! Ah non alors ! Foutez-moi la paix, hein, n’entrez pas. Eloignez-vous ! Vous ne passerez pas. 
          N’approchez pas. 
          Ma vie ne vous regarde plus. 
          Vous ne comprenez donc rien ? 
          Laissez-moi. 
          Laissez-moi accomplir jusqu’au bout ce voyage. 
          Ce terrible voyage. 
          C’est à moi ça m’appartient. 
          Je ne vous permettrai pas de briser mon rêve. 
          Arrière 
          Arrière médiocres 
          Arrière laquais ! 
          Retournez à vos affaires 
          Allons place ! Déblayez ! 
          Regagnez vos échoppes vos cuisines 
          Vos gestes utilitaires et vos amours d’arrière-boutiques. 
          La boue de vos plaisirs honteux. 
          Allez retrouver vos femmes !




"Vous ne me volerez pas cet instant..."


             Je ne suis plus parmi vous. Vous vous trompez. 
          Il n’y a personne une ombre un souvenir. 
          Ne vous fatiguez pas. 
          Mon tombeau attend je le sais fraîchement creusé. 
          Enfin. 

          Ah mais cessez donc à la fin 
          De vous accrocher comme des punaises. 
          Vous ne me laisserez donc jamais en paix ? 

          Vous ne me volerez pas cet instant. 

       Mais qu’est-ce que vous pouvez bien comprendre à la mort d’un Roi… »


Fin









FIN de la pièce.

Voir ci-dessous (articles plus anciens)
- le "Compte à Rebours" (J-31...)
- les remerciements

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